Le champ de vision des oculaires
La caractéristique la plus importante d’un oculaire, outre sa focale, est sans aucun doute le champ apparent qu’il procure sur le ciel. Deux oculaires de même grossissement peuvent provoquer une sensation tout à fait différente de la perception des objets, en offrant une vision panoramique ou au contraire bien plus serrée.
Les oculaires actuels offrent un champ apparent compris entre 40 et 100° selon les types, avec une qualité souvent supérieure à ceux qu’on pouvait utiliser dans les décennies précédentes. Plus le champ apparent est important, plus le champ réel couvert sur le ciel le sera également, selon la formule :
Champ Réel = champ apparent / grossissement.
Ainsi en grossissant 40x avec un oculaire de 50°, le champ couvert sera de 1,25° soit environ 2 fois et demi l’aspect de la pleine lune. Avec un oculaire à très grand champ, couvrant 100°, le champ réel sera de 2,5° !
Ces nombres théoriques, sont vérifiables par la mesure du champ réel sur le ciel. Il suffit de chronométrer la durée du transit d’une étoile proche de l’équateur céleste (déclinaison proche de 0°) sans utiliser de moteur pour compenser le mouvement de rotation de la terre. Faites plusieurs mesures et ensuite la moyenne. Le champ mesuré sera donné par la formule :
Champ Réel Mesuré (en degré)= Durée du transit (en s) x 15 /3600
Un relief d’oeil adapté
Selon les oculaires, le placement de l’oeil est sensiblement différent. Avec certains, il faut littéralement coller l’oeil sur la lentille de champs, avec d’autres, beaucoup plus loin, de telle sorte qu’il est possible d’observer avec des lunettes correctrices. Si l’intérêt est nul en ce qui concerne la correction de la myopie ou de l’hypermétropie (rattrapé par la mise au point), il n’en est pas de même pour l’astigmatie. Pour un astigmate, observer sans lunettes revient à rendre astigmate la précieuse optique que l’on a désiré parfaite, quel dommage !
Coller son œil sur la lentille de champ laisse fatalement des traces, d’autant plus lorsque l’oculaire sert pour des observations publiques, obligeant à de fréquents nettoyages. A contrario, un oculaire avec un fort relief d’oeil requiert une bonnette pour conserver l’obscurité essentielle autour de l’image, et de part sa construction limite légèrement le champ apparent.
Ce paramètre étant rarement documenté, c’est l’expérience et l’essai qui peut permettre un choix judicieux. Mais ce critère n’est pas essentiel.
Intérêt et inconvénients des grands champs.
L’intérêt d’un oculaire grand champ est évident. Un pointage approximatif sur un objet visible immédiatement dans l’instrument sera bien plus facilement couronné de succès. Ce qui explique aussi la popularité de ce type d’équipement pour les utilisateurs de Dobsons notamment.
Aux grossissements moyens, ce type d’oculaires s’impose car la nécessité de recentrage du au mouvement équatorial des astres peut s’avérer gênante avec des oculaires à « petit champ ».
tout avantage technologique a son revers :
le champ réel des télescopes est limité entre autre par la taille du miroir secondaire, mesuré par le degré d’obstruction. Sans entrer dans les détails ici, un instrument de même diamètre peut être conçu différemment de manière optique ; avec un miroir secondaire de petite taille, on limite l’obstruction et améliore ainsi le pouvoir séparateur, c’est à dire le « piqué » de l’image. Avec un miroir secondaire de grande taille, on augment le champ de pleine lumière, c’est à dire la zone de l’image qui reste assez homogène en terme de luminosité ; cette notion est d’ailleurs bien connue des photographes qui parlent alors de vignetage. Utiliser un oculaire très grand champ, tout en grossissant peu risque de donner des images plus faibles et moins contrastées sur les bords, avec des aberrations plus ou moins compensées par les combinaisons optiques. N’oublions pas non plus : quel que soit la qualité des lentilles, plus on ajoute du « verre » plus on perd de la lumière en transmission. Il faut savoir rester raisonnable...
Utiliser un grand champ n’a pas de raison non plus si l’objectif ou le miroir n’est pas excellent en bord de champ sinon augmenter le champ n’apportera que des étoiles déformées, irisées selon le cas. Rappelez vous qu’à quelques exceptions près, les objets du ciel profond sont de petites tailles.
Reste le coté « immersif » d’une image grand champ, que l’on retrouve également dans la vision binoculaire.
Adapter sa gamme d’oculaires au télescope : il faut faire des essais...
Vous avez lu dans l’article précédent qu’il faut choisir les focales en fonction du rapport F/D de l’instrument. Cela est également vrai pour les différentes formules optiques. Un oculaire qui pouvait paraître bon à F/D10 peut révéler un certain nombre de défauts, notamment de planéité et de chromatisme à des F/D plus faible (typiquement entre 3 et 5), car l’angle d’incidence des rayons lumineux est différent. Inversement, deux oculaires marqués d’une différence notable à F/D=3 peuvent paraître identique à F/D=10 ; comme toujours en optique, tout est une affaire d’appariement, sans oublier de l’œil de l’observateur reste le maillon faible, avec son lot de d’astigmatisme et de petits défauts. Par exemple, là ou un œil « jeune » compensera instantanément un léger défaut de netteté en bord de champ par accommodation, un observateur plus agé trouvera immanquablement l’image floue sur les bords.
Le paramètre fondamental reste la focale
Si la lecture de ce second article sème un peu le doute, rappelez vous que le paramètre principal reste le choix de focales adaptées au F/D de l’instrument.L’utilisation d’un oculaire « école », de type zoom permet d’affiner ces décisions avant de procédé à la sélection d’une gamme complète.
Observer avec un « zoom » permet d’avoir toute une gamme de grossissements permettant d’optimiser au mieux le contraste et la taille de l’objet observé. Selon l’endroit vous pourrez constater que le grossissement minimal « efficient » (très subjectif par ailleurs) n’est pas identique selon le degré de pollution lumineuse. Si au début, on a tendance à jouer avec toutes les focales possibles, vous constaterez à la longue que l’on revient souvent vers les mêmes valeurs, celles de VOTRE gamme idéale.
Le gros inconvénient des oculaires zooms, quelque soit la marque, est d’offrir un champ apparent assez faible (entre 40 et 50°) et un chromatisme assez marqué sur les longues focales. Cependant, pour l’amateur peu fortuné ou souhaitant limiter au maximum la masse embarquée, un oculaire zoom à 40 euros peut s’avérer un choix judicieux.
bibliographie
le lecteur curieux désirant approfondir le sujet pourra consulter
« conception et contructions de télescopes et astrographes amateurs », ouvrage collectif sous la direction de Charles Rydel / ed de boeck / isbn 978-2-8041-6899-5 / pages53à67
ainsi que l’article (en anglais) de Pedro Ré
http://www.astrosurf.com/re/evolution_of_eyepieces.pdf
Faites votre choix !
Yves Lhoumeau
Décembre 2012